Interview de Volodia Petropavlovsky sur sa Traversée de l’Alaska en Canoë d’Est en Ouest.

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Mes recherches sur la Laponie m’a fait croiser le chemin de Volodia Petropavlovsky qui l’a parcouru à pieds en suivant la Kungsleden sur 450 km en juillet 2010. Une aventure de 21 jours dans l’arctique suédois !

L’album Facebook de sa traversée se trouve ici : Kungsleden, la traversée de la Laponie à pieds

Aujourd’hui, j’ai le plaisir d échanger avec lui sur sa toute récente aventure dans le grand nord américain.

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 MDA (un Monde D’Aventures) : Bonjour Volodia, tu reviens d’Alaska. Peux-tu nous présenter le défi que tu viens de relever ?

Volodia :  Je viens de traverser l’Alaska en canoë durant l’été 2011. J’ai pagayé 2000km en solitaire, sans assistance ni balise de détresse. Mi-juillet, je me suis rendu dans la petite ville de Tok, près de la frontière canadienne. J’y ai acheté mon canoë et me suis lancé sur la rivière Tanana, dont même les indiens n’osent en descendre le cours supérieur en canoë. Trois semaines plus tard j’atteignais le célèbre fleuve Yukon, dont j’ai suivit le cours jusqu’au village eskimo d’Emmonak en mer de Béring. J’ai atteint mon but après 71 jours.

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MDA : Depuis combien de temps as-tu ce projet en tête ? C’est long de préparer un tel projet ?

Volodia :  Je rêvais du grand nord depuis environ deux ans. Pour parcourir ces immensités, le canoë semblait tout indiqué car il permet une très grande autonomie alimentaire, indispensable dans des régions si reculées. L’idée d’une traversée en canoë a donc commencé à germer dans mon esprit. Très vite s’est posée la question de la destination. L’Alaska représente un territoire mythique. Depuis l’époque des chercheurs d’or et des trappeurs, elle a attiré des générations d’aventuriers. Certains ont réussi, d’autres en sont morts. En février, j’ai pris une décision. Cette année, ce serait à moi de tenter l’aventure. J’ai posé les yeux sur un atlas pour en étudier la topographie. J’ai constaté qu’une traversée complète était possible par deux itinéraire : le Fleuve Yukon dans sa totalité, ou la rivière Tanana puis le Yukon. Le premier itinéraire ayant déjà été fait à de maintes reprises, j’ai opté pour le second. La préparation de mon expédition se divisait en deux parties principales: équipement (où acheter le canoë, quel matériel de bivouac emporter, quel moyen de défense contre les ours,…) et itinéraire (notamment les points de ravitaillements). La préparation physique fut minimale. Et pourtant, je n’ai souffert d’aucune tendinite ni douleur musculaire.

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MDA : Une telle aventure à un coût. Peux-tu nous expliquer le montage financier ? As-tu reçu des aides ?

Volodia :  En effet, une expédition de ce genre est particulièrement coûteuse, et ma situation d’étudiant (sans revenus) représentait un véritable frein financier. Sans argent, pas de départ possible. Le constat est aussi simple. Il m’a donc fallut trouver des ressources financières pour mener à bien mon projet. Cet hiver, j’ai postulé aux bourses de l’aventure organisées par la Guilde Européenne du Raid, qui fonctionnent grâce aux dons des entreprises SPB et Direct Medica. Sur les 46 projets demandeurs, 5 furent retenus. Le mien en faisait parti. Ce partenariat m’a ainsi fournit la grande majorité de mon financement, que j’ai compléter par un emploi d’éclusier durant les mois précédant mon départ.

L’entreprise Aventure Nordique m’a également sponsorisé en m’offrant du matériel. Je profite d’ailleurs de cet interview pour remercier encore une fois mes partenaires.

Il y a donc une chose que je tiens à mettre par dessus tout en avant : l’aventure est possible ! Même lorsqu’on est étudiant, il existe toujours un moyen de parvenir à réaliser ses projets. « La seule chose vouée à l’échec est celle que l’on ne tente pas » (Paul-Émile Victor).

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MDA : Comment as-tu abordé la solitude ? Pas trop dur ?

Volodia :  Je suis d’un naturel plutôt solitaire (mais pas associable !). L’idée de partir trois mois tout seul ne m’effrayait pas. Mais je pense que cela ne conviendrait pas à tout le monde. Le stress en expédition est très fréquent : danger, isolement, et conditions de vie difficiles sont des éléments avec lesquels il faut composer du matin au soir. C’est donc à chacun d’évaluer si il est capable ou non de relever le défi, en fonction de sa personnalité, son expérience, son vécu…

Pour ma part, la solitude fut, je pense, le meilleur choix. Paradoxalement, c’est en voyageant seul que j’ai put nouer des liens avec les habitants (blancs, indiens, eskimos). Cela m’incitait à aller vers les gens, et ces derniers se rapprochaient plus de moi. Être en groupe n’aurait pas permis un tel échange avec les autochtones. Les relations humaines, l’échange avec l’autre, est d’ailleurs un des aspects les plus importants de mon expédition.

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MDA : As tu du faire face à l’imprévu ? Si oui, comment as-tu réussi à y faire face ?

Volodia :  Le slogan de la marque de mon canoë résumerait à lui seul mon expédition : « expect the unexpected ». L’imprévu est l’essence même de l’aventure. On a beau établir son itinéraire, calculer au mieux ses rations de nourriture, préparer avec soin son équipement, glaner un maximum d’informations sur le lieux,…rien ne se passe jamais comme on l’avait espéré. J’ai connu de nombreux imprévus, de la casse de la fermeture de ma tente à un naufrage qui a faillit me couter la vie, en passant par le vol de nourriture dans un village ou à la perte d’équipement. Le plus gros imprévu résidait dans ma méconnaissance de la rivière Tanana. J’ai passé les premiers jours à pagayer sur une rivière rapide mais non dangereuse. Au bout de 150km le cours d’eau est devenu une véritable furie. Le courant s’intensifiait, d’énormes tourbillons ponctuaient le parcours, des vagues se formaient et des dizaines de milliers de troncs d’arbres échoués rendaient la navigation très dangereuse, particulièrement à partir du moment où la rivière se divisait en de multiples bras dont certains étaient obstrués malgré la puissance du courant. Tout cela, je l’ignorais avant de partir. Mais il y eut aussi des imprévus heureux. Toutes les rencontres que j’ai fait resterons des moments gravés à jamais.

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MDA : Et le danger, tu l’as rencontré ?

Volodia :  Oui. Le danger venait de la nature. J’ai faillit mourir dans la Tanana dès le cinquième jour. Comme je l’ai décrit précédemment, ce fut un cours d’eau absolument monstrueux. Alors que je pagayais dans un petit bras, le courant extrêmement puissant ma envoyé droit sur un arbre en plein dans un virage. J’ai heurté un branche et me suis retourné. J’arrivais à peine à respirer tant l’eau était froide. Emporté par le courant, j’ai réussis à saisir une racine et à me hisser sur la berge. Par une chance incroyable, mon canoë s’est bloqué dans un arbre couché dans la rivière en aval. Il se remplissait d’eau, je devais agir vite avoir une chance de sauver mon équipement. J’ai tiré les corde d’amarre et j’ai réussi à le hisser sur la berge. J’aurais pu mourir noyé dans un premier temps, puis de faim et/ou de froid si je n’avais pas pu sauver mon embarcation. Mais je n’étais pas encore tiré d’affaire. Grâce aux allumettes étanches que je gardais sur moi, j’ai pu allumer un feu pour faire sécher la plupart de mon matériel. Le lendemain, j’ai effectué un portage de trois heures (c’est très long !) pour trouver une zone de mise à l’eau, les berges étant très encaissées. J’ai perdu tout mon matériel photo dans le naufrage (j’ai pu racheter un appareil à Fairbanks dix jours plus tard), de la nourriture, mon réchaud, ma canne à pêche…mais j’ai sauvé l’essentiel : ma vie. J’ai rencontré des indiens quelques heures plus tard qui m’ont dit que j’étais l’homme le plus chanceux et le plus brave qu’ils connaissent. Selon toute probabilité, j’aurais du y rester. Il y eut également d’autres dangers : celui des ours (je portais en permanence un fusil à pompe chargé), et celui du vent sur le Yukon, qui soulève parfois d’importantes vagues qui auraient pu aisément retourner ma frêle embarcation. En bref, le danger était omniprésent, mais c’est à cette condition que se fait l’aventure.

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MDA : Maintenant que tu as de l’expérience, quels conseils apporterais-tu à quelqu’un qui souhaiterait faire la même chose ?

Volodia :  La principale qualité d’un aventurier ne réside pas, selon moi, dans la condition physique mais dans le mental. Avoir une volonté à toute épreuve, voilà ce que je conseillerais à qui veut tenter une expédition. Traverser l’Alaska en canoë n’est pas naviguer sur un long fleuve tranquille. Nombreuses sont les mauvaises surprises et les déconvenues. Il faut donc trouver suffisamment de ressources en soit pour continuer à avancer en cas de coups dures. Sur un plan plus terre à terre, je suggère de bien réfléchir à son équipement, n’emmener que le strict minimum. Au cours du périple, s’écouter sans cesse, ne pas hésiter à faire une pause dès que la fatigue devient excessive ou le temps trop mauvais. Partir lorsqu’on se sent prêt. Pas avant.

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MDA :  Merci d’avoir partagé avec moi des moments de ton aventure.

Volodia :  Ce fut un plaisir !

MDA : As-tu déjà le projet d’une nouvelle aventure en tête ?

Volodia :  Pas pour le moment. Je me remets à peine de cette expédition. Mon prochain projet est d’écrire un livre sur cette traversée, car c’est pour moi le meilleur moyen de partager tout ce que j’ai vécu. J’aimerais aussi retourner en Alaska pour approfondir ma connaissance des cultures indiennes et inuits.

 

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Vous pouvez retrouver Volodia sur sa page Facebook

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