L’aventurier et explorateur belge Louis-Philippe Loncke nous fait part de son opinion dans une tribune libre au sujet de la dernière expédition « The Impossible First » de l’américain Colin O’Brady annonçant la première traversée de l’Antarctique en solitaire et sans assistance en 54 jours. Louis-Philippe Loncke souhaite également réagir et tenter de compléter le très bon résumé de Jocelyn Chavy sur Alpinemag.
Texte de Louis-Philippe Loncke
Concernant Explorersweb et AdventureStats, leur récolte d’information est bien utile depuis 10-15 ans pour savoir qui a fait quoi. Cela mérite d’être souligné. Leurs définitions de unsupported et unassisted a été au fil du temps vu comme une référence que quasi tous les aventuriers des pôles et des monts « connus » ont suivis.
Là où il manque de précision c’est que (1) au départ au début des années 2000, il n’y avait pas de route SPOT allant du pôle sud à la station.
Et que (2) le terme unassisted a été surtout introduit pour différencier l’utilisation de voile/kite ou non.
La technologie évoluant (GPS, telsat, infos météo), il est certain que si disponibles à l’époque, Amundsen les aurait utilisés. Donc pour moi, l’utilisation de ces technologies qui, oui, aident, ne forment pas l’assistance.
Ce qui aide (vu les kms qu’on peut parcourir, certains ont fait 600 km en 1 jour), c’est l’aile de traction. Et donc pour mieux différencier une expédition de Mike/Rune par rapport à O’Brady/Rudd, on devrait dire à propulsion humaine. Le terme « human-powered journeys » est d’ailleurs repris depuis des années parmi les aventuriers. Il inclut l’idée de dépassement physique, de plus grand défi, de souci plus écologique (comparé aux moteurs)
Les plus grands explorateurs polaires, on (le public) les connait toujours aujourd’hui.
Les explorateurs polaires des temps modernes sont connus par la communauté de l’aventure et surtout dans leur pays respectifs*. Malheureusement, les « newbies » aventuriers polaires qui veulent faire une expédition aux pôles doivent jouer d’astuces et trouver un crochet pour les médias/sponsors. Et évidemment arrive le genre de « FAKE NEWS » comme avec O’Brady et Rudd. Pour moi, la seule première qu’ils peuvent clamer, c’est d’être parti de A, passer par le pôle Sud et arrivé à B sans réapprovisionnement et sans voile de traction. Et idéalement, ils auraient dû se douter que la communauté aurait râlé qu’ils utilisent la « route SPOT» damée, Eric Philips avait discuté ce point au préalable avec O’Brady. Ce fût un mauvais choix car maintenant quelqu’un peut tenter de faire ce trajet sans utiliser cette route ; et clamer une « première » et donc rendre caduque le record de l’Américain.
(*) Etant Belge, je me permets d’expliquer que l’on a oublié de parler de Dixie Dansercoer et Alain Hubert. Leur expédition (1999), certes avec voile et réapprovisionnement était à l’époque novatrice. Borge, en effet, n’avait pas de vraie voile. Eux, ont innové ou lancé la première expédition avec l’idée de faire une longue traversée et cela a permis de faire des relevés scientifiques en cours de route sur une même année, rapidement (grâce à la voile) et avec peu de pollution (pas de moteur).
Ce qui me permet de rappeler quelques définitions et notions à savoir de manière brève:
- Explorateur : explore un nouveau territoire, nouvelle route et/ou revient avec un enseignement scientifique documenté.
- Aventurier : prend des risques certains dans l’entreprise de son voyage. L’issue et la réussite du projet est incertaine.
O’Brady n’est donc pas un explorateur en mon sens. Par contre, c’est un grand athlète aventurier. Il a réussi un exploit mais cet exploit n’est pas aussi important que les grandes traversées réalisées avant lui ; sans revenir sur le sujet d’une traversée ou non.
Par contre, je ne comprends toujours pas pourquoi on se doit de passer par le pôle sud. Pour couvrir du nouveau terrain, il me semble plus intéressant par exemple d’aller d’une station à une autre sans passer par le pôle sud.
Concernant le « Explorers Grand Slam », permettez-moi de rigoler. Des adolescents ont fait des last degree, des enfants font des distances plus longues au Groenland ou en Scandinavie. Il est dommage que ce « label/défi » soit diminué en y incluant les expéditions « last degree ». Moins de personnes ont réussi à gagner les 4 grands tournois de tennis. Et seulement 2 tennismen ont réussi cela en 1 seule année. Ce qui empêche d’avoir des milliers de personnes de faire cette définition du Explorers Grand Slam est l’argent qui permet de le faire.
https://explorersweb.com/2018/08/22/can-the-explorers-grand-slam-be-saved/
http://explorersgrandslam.com/
Il est trop tard pour rectifier le tir. Ce qui compte c’est que tout aventurier/explorateur soit honnête dans les règles qu’il impose à lui-même. S’il veut prétendre à une première, il doit tenter d’avoir une définition qui soit acceptée par la communauté et que personne ne puisse les challenger.
Si l’année prochaine, un aventurier réalise le trajet d’O’Brady ou Rudd sans utiliser la route, ils ne devront pas s’étonner qu’il clame avoir réussi une première. En espérant qu’il inclut bien de où il est parti et non pas une traversée intégrale de l’Antarctique.
Personnellement, s’il fallait un « Adventurer Grand Slam » je trouverai plus intéressant de mêler des disciplines : un trek polaire, un sommet de 8000, un sommet technique, une traversée d’un Océan à la rame, d’un désert, d’une jungle, une descente de rivière en kayak… Le « grand » aventurier aurait appris différentes disciplines et pris des risques sur différentes terrains.
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François
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