A l’occasion de la 21ème journée internationale des enseignants, le 5 octobre, a eu lieu le tout premier Ted X Champs Elysée Education en France. Son ambition est de contribuer à l’exploration de nouvelles voies pour l’éducation en mettant en lumière des acteurs de terrain qui œuvrent quotidiennement, à leur niveau, au renouveau de l’éducation.
Malgré le retard lié aux contrôles à l’entrée de l’UNESCO et la visite du Président du Ghana, nous avons passé une soirée très riche. Quelques ateliers nous permettent de patienter en s’imprégnant progressivement des enjeux liés à l’éducation (le numérique, la valorisation des enseignants…). Nous avons ainsi l’occasion d’écrire une carte de remerciement à un enseignant qui aurait eu une importance particulière dans notre parcours, de proposer sur une pancarte des suggestions pour améliorer le système éducatif, ou encore de découvrir l’univers du code.
Nous avons alors découvert ce lieu symbolique impressionnant à travers une statue de Giacometi, la salle de conférence avec des cellules de traduction. Oui, nous sommes au temple de l’éducation et de la culture.
En introduction, une chanson d’une dizaine d’enfants de l’association Le Serruriers Magiques qui mènent des projets avec des jeunes de quartiers populaires.
Pour en savoir plus : www.serruriersmagiques.com
S’enchaînent ensuite 11 talks de qualité avec des intervenants venant d’horizon très différents comme la science, la danse, la pédiatrie, l’enseignement, la psychiatrie ou encore l’économie.
1. Catherine Guegen, pédiatre et enseignante
Et si on changeait de regard sur l’enfant ?
Les neurosciences affectives montrent que le cerveau de l’enfant est malléable et que les relations que les parents ont avec leurs enfants transforment en profondeur leur façon de penser et d’agir.
C’est la bienveillance et l’empathie qui font maturer le cerveau des enfants. Catherine Guegen pense que si tous les acteurs de l’enfance avaient cette attitude envers les enfants, le monde serait plus pacifique et plus chaleureux.
2. Bruno Bouché, danseur à l’Opéra de Paris, chorégraphe
Le corps comme éducateur
A travers son parcours à l’Opéra de Paris puis en tant que chorégraphe, il a acquis un savoir sophistiqué sur son corps et a pris conscience que le corps est un des meilleurs moyens d’expression.
Par l’organisation de spectacles de danse, il a accompagné des enfants dans la découverte de leur corps grâce à des ateliers créatifs. Avoir une meilleure conscience de son corps permet de trouver sa place. Pour Bruno Bouché, le corps est un outil d’expression et de réalisation de soi.
3. Pierre Lena, astrophysicien, membre de l’ Académie des Sciences
La science, école universelle d’émerveillement, de vérité, de citoyenneté
Pierre Lena est à l’origine avec Georges Charpak et Yves Quéré du programme éducatif « La main à la pâte ». La science a toute sa place dans l’éducation car l’éducation est transmettre une culture, apprendre à regarder le présent et préparer l’avenir.
La pédagogie active de l’enseignement de la science, comme le propose « La main à la pâte », met en valeur la curiosité de l’enfant, sa raison, son habilité, sa capacité à s’exprimer et à écrire. La science est un moyen d’agir sur le monde. Les grandes questions du monde d’aujourd’hui nécessitent un comportement raisonné auquel l’éducation de la science peut contribuer.
Pour en savoir plus : www.fondation-lamap.org
4. Ramzi Harbi, entrepreneur social
Eduquer par la curiosité
Ce qui intéresse les jeunes, ce sont des univers où ils peuvent s’exprimer, mettre en œuvre leur imagination : le sport, la musique… mais également aujourd’hui les jeux vidéos, la télé réalité, les « Youtubeurs », les réseaux sociaux… Le point commun de ces univers est que ce sont des univers artificiels ultra connectés qui nous déconnectent de notre réalité et nous prennent beaucoup de temps. Le savoir n’est plus uniquement détenu par l’enseignant. Il y a aujourd’hui le numérique. Mais il faut apprendre aux enfants de l’utiliser à bon escient.
Ramzi Harbi privilégie dans son association « En piste l’artiste ! » une pédagogie d’apprentissage par le jeu. La réussite scolaire est de trouver sa vocation, être curieux, vouloir aller plus loin. La curiosité alimente la créativité. Il faut capter l’attention des enfants pour les mettre dans un contexte qui attise leur curiosité et libère leur créativité.
Pour en savoir plus : www.enpiste-lartiste.fr
5. Caroline Huron, psychiatre et chercheur en science cognitive à l’INSERM
Le cerveau peut-il faire deux choses à la fois
Caroline Huron commence à proposer à l’assistance de faires 2 petits tests pour prendre conscience des difficultés des dyspraxiques. Notre cerveau n’est pas conçu pour faire en même temps deux tâches qui nécessitent l’attention. Quand un enfant ne peut pas automatiser une tâche comme l’écriture, il est en situation de double tâche cognitive toute la journée.
L’association « Cartable fantastique » part des besoins des enfants en situation de dyspraxie pour leur permettre de développer leur potentiel éducatif sans se bloquer sur l’écriture. Un élève en situation de handicap avec des outils adaptés peut être un excellent élève.
Pour en savoir plus : www.cartablefantastique.fr
6. Hippolyte Labourdette, adolescent de 15 ans surdoué en situation d’échec scolaire
Et si on mettait à jour les valeurs de l’école ?
Son ressenti de l’école s’est limité essentiellement au classement, aux notes, aux sanctions, aux devoirs, aux punitions, aux humiliations… loin des valeurs d’éducation pour tous, d’entraide et de partage que trop peu d’enseignants ont transmis lors de son parcours scolaire.
Les valeurs transmises par l’école doivent évoluer. Le cerveau apprend en faisant des erreurs et la peur entrave les capacités d’apprentissage. D’après Hippolyte Labourdette, l‘école doit avant tout préserver l’Envie car dans Envie il y a « En Vie ».
7. Alain Coughlin, agrégé d’anglais et professeur dans un collège d’éducation prioritaire en Bretagne
Let Learn
Alain Coughlin a commencé à appliquer des méthodes traditionnelles de l’enseignement et a éprouvé des difficultés pour attirer l’attention de ses élèves. Il se rend compte qu’en classe, il est le plus actif et comme on apprend en étant actif, les élèves le regardent apprendre ce qu’il ait déjà. L’école fait tout pour ennuyer les élèves.
Alain Coughlin ne veut plus voir les élèves subir le cours et prendre le temps avec les élèves qui en ont besoin. Il décide alors de faire un cours comme on conçoit un jeu vidéo. Il y a en effet beaucoup de similitudes. Le jeu apprend les règles, on explore le jeu à son rythme, le but pour gagner est clair et les moyens pour le faire sont donnés progressivement.
Pour impliquer les élèves, il faut qu’ils puissent faire des choix, qu’ils puissent prendre contrôle du cours. Il mène alors une expérience : il donne des projets à réaliser aux élèves et la décision d’une date butoir se décide ensemble. Tous les éléments dont les élèves vont avoir besoin pour apprendre et faire seront connus dès le début. C‘est aux élèves de décider l’ordre des choses à réaliser, ce qu’ils veulent faire et avec qui ils veulent travailler. Il a alors du temps pour individualiser son accompagnement des élèves.
8. Gaëlle Gaëtane Chapelle, docteur en psychologue, professeur en Belgique
Une deuxième ligne pour aider les profs
Un sentiment d’impuissance des professeurs est responsable à la souffrance au travail. Le métier d’enseignant n’est pas valorisé par la société.
La standardisation et la massification de l’enseignement ont conduit à l’échec scolaire de certains élèves. Le souci majeur des enseignants est en effet d’enseigner des programmes, certains élèves apprennent. D’autres élèves n’apprennent pas : ceux qui ne disposent pas des codes sociaux et culturels de l’école, ceux qui ne maîtrisent pas la langue de l’enseignement, l’entrée dans l’écrit, dans le nombre, dans l’orthographe, ceux qui ont des déficits d’attention, les élèves surdoués, les phobiques scolaires, les élèves démotivés…
Le redoublement est inefficace (en Belgique, en terminale 60% des élèves ont une année de retard). Les enseignants doivent pouvoir adapter leur apprentissage à chacun. Pour les aider à changer de métier, une communauté de pratiques a été créée dans plusieurs établissements belges pour mobiliser tous les acteurs de première mais également de seconde ligne de de l’éducation.
9. Gaele Regnault, fondatrice d’une entreprise sociale qui démocratise l’accès aux meilleures stratégies éducatives et lutte contre l’exclusion
Quelle école pour les enfants extraordinaires ?
L’école n’est pas un milieu naturel pour nos enfants. Le livret scolaire véhicule ce que nous valons à l’école. En tant que Maman, Gaele Regnault a été privée de livret scolaire car son fils, Louis, est atteint d’autisme. Les enseignants sont démunis face aux difficultés de ces enfants.
Des techniques permettent toutefois de découper finement les apprentissages, d’ajuster les évaluations pour chacune des étapes et valoriser chaque petite marche franchie. Les tablettes tactiles permettent par exemple d’objectiver la maîtrise d’une compétence. La pédagogie différenciée devient une vraie possibilité avec le numérique : utilisation des manuels, partage des résultats à tous les spécialistes qui suivent l’élève (cloud).
10. Hocine Youbi, étudiant en relations internationales
Faire mentir les statistiques
Hocine Youbi est passé d’un univers d’ouvrier à celui d’un des lauréats des Bourses d’études supérieures les plus prestigieuses au monde. Il a dû faire face à des obstacles au cours de sa scolarité et de ses études car on l’a souvent ramené à sa condition sociale. Soutenu par ses proches, il fait des rencontres exceptionnelles et a travaillé durement.
D’après Hocine Youbi, l’éducation nous donne les moyens de réussir et de choisir. En jouant le jeu, on peut être maître de son destin et créer son propre avenir.
11. Yann Algan, économiste expert du bien-être
L’école de la confiance
Une expérience a montré que des enfants qui ont résisté à un plaisir immédiat pour avoir une gratification plus importante plus tard ont une meilleure réussite scolaire et globalement mieux réussi dans la vie.
Le secret du succès scolaire ne réside pas dans QI, ni dans les capacités intellectuelles mais dans des compétences non cognitives. 1er volet de ces compétences non cognitives : la ténacité, les capacités d’auto discipline, la capacité de se tenir à son projet. 2ème volet : les compétences sociales (apprendre à coopérer, à s’aider les uns des autres).
Ces compétences sociales sont également essentielles à la prospérité économique. Un management organisé à l’horizontal permet la libre circulation des innovations. Seuls les pays, comme les pays nordiques, qui investissent dans une éducation coopérative, ont des entreprises avec une coopération entre les collègues. Une société du vivre ensemble avec à la fois une performance économique et une performance sociale nécessite de commencer très tôt par une école de la confiance.
Pause
Au milieu des talks, un peu de culture avec une pause musicale offerte par les artistes Léa Luciani et Kevin Tourné.
Tous les témoignages et initiatives sont passionnants car l’éducation nous concerne tous car, pour reprendre Nelson Mandela « L’éducation est l’arme la plus puissante que vous puissiez utiliser pour changer le monde. »
Ces interventions peuvent être revues sur tedxchampselyseesed.com/livestream
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Eve
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