Camille, une Rochelaise, nous a fait le plaisir de nous envoyer ce compte-rendu du festival du film d’aventure de La Rochelle auquel elle a participé du 14 au 17 Novembre 2013. C’est un très beau texte qui nous fait revivre le festival de l’intérieur. Rejoignons-la au voyage auquel elle nous invite.
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Les marins du port de La Rochelle en ont encore vu de toutes les couleurs pendant ce long weekend de novembre où l’aventure a infiltré les quatre coins du globe. Des glaces de l’Arctique aux Hacienda brésiliennes en passant par les hauts plateaux éthiopiens, les spectateurs ont fait le plein d’images éblouissantes et de rencontres fortes. Pour cette 10e édition présidé par Isabelle Autissier, le festival du film d’aventure a sorti le grand jeu : 4 jours, 1 séance hors les murs, une démonstration de highline, un plateau média et diverses animations. Le challenge était de taille pour ce rassemblement de passionnés qui ne cesse de grandir : garder intacte l’âme de l’évènement, sa simplicité et sa proximité avec les acteurs de l’aventure, tout en proposant un nouveau format aux festivaliers.
Pour prendre la mesure de cet ambitieux pari, je me suis rendus sur place. Près du bassin des chalutiers où le cliquetis des mâts se mêle au clapotis des grands voiliers, l’espace Encan accueillait pour la 10e année consécutive des curieux venus de toute la région. En cette année où les pôles étaient à l’honneur, le ciel bleu et le vent glacial semblaient apporter des nouvelles du Grand Nord. Dès la première journée, la magie opère. Dans cette coquille au milieu des bateaux, nous nous sentons à la fois infiniment loin du monde, de ses pollutions et de sa course perpétuelle, mais paradoxalement plus proche de lui que jamais. D’emblée, Terminus Boréal et North of the Sun, (le film aux 19 récompenses), ont séduit avec leurs immensités blanches et leur questionnement intelligent de la notion de voyage. Solidarité et écologie étaient de la partie et c’est d’ailleurs ce qui ressortira du festival dans son ensemble : l’aventure n’est plus seulement un défi à soi, elle est porteuse d’une vision du monde sinon même d’un projet de société.
Le lendemain, lors d’une séance spéciale, le film de Laurent Joffrion et Vincent Munier, « Abyssinie l’appel du loup », fait un tabac auprès de plusieurs centaines de collégiens, enthousiastes et émerveillés. Les questions fusent et les regards brillent. Puis l’hilarité gagne l’espace Encan avec « Jungle Jam Venezuela », le périple vertical d’un groupe de potes belges mi-hommes mi-araignées. Jusqu’au sommet de la paroi, au beau milieu de la jungle, ils grimpent, suent, chantent et bouffent l’aventure dans de grands éclats de rire. Une belle leçon de vie et un moment rare. A la fin de la projection, le public a même eu droit à l’interprétation en trio du classique « Le lion est mort ce soir ».
Alors que le soir tombe doucement sur La Rochelle, le festival projette un film hommage à l’alpiniste suisse Ehrard Loretan, l’homme aux nombreux « 4000 », à la vie mouvementée et aux paroles rares mais précieuses. Il a non seulement imposé son style extraordinaire à l’alpinisme, mais a également laissé une empreinte par sa personnalité et son parcours, fait de tragédies comme de succès historiques. Le film de B. Aymon dessine cet itinéraire de vie avec un minimalisme qui donne aux mots et à l’expérience du sportif, une puissance. Avant que démarre « A fine line », le film évènement sur la star Kilian Jornet, une phrase de E. Loretan résonne encore : « La montagne offre à l’homme ce que la société ne lui offre plus du tout … ». Et il me semble alors que tous ces gens réunis dans cet espace de rêve, pressés de se retrouver face à l’écran, semblent précisément là pour ça : retrouver le temps de quelques heures, de quelques jours, ce que la routine et la société occidentale leur refusent trop souvent.
« Le piège blanc » offre un aperçu impressionnant des déserts de glace du Groenland par le biais du kayak de mer. D’aventure en aventure sur les miroirs craquelés de l’océan gelé et sous les icebergs à la dérive, on découvre avec stupeur cette côte-est, assurément une des plus belles au monde. Seul l’aspect un peu « bavard » du film peut être gênant. Les protagonistes, Alban Michon et Vincent Berthet, apparemment mal à l’aise face à la caméra, s’embourbent trop souvent dans des dialogues maladroits qui parfois gâchent les images qui se passent de commentaires.
D’autres pépites m’ont transporté dans des lieux fantasmatiques mais celui qui me restera le plus en mémoire est sans nul doute le film de Vincent Munier et Laurent Joffrion sur les loups d’Abyssinie. En marge du festival car plus centré sur la photographie que sur l’aspect « aventureux », le film est porté par le charisme envoutant de son principal acteur. Le regard clair et émerveillé de Vincent Munier est le témoignage le plus criant sur la beauté de la nature sauvage. Ses propos qui transparaissent à travers le film vont bien au-delà d’une quête de l’aventure. Il s’agit d’une quête de soi par la solitude et l’observation d’un monde en mouvement. Loin des hommes, assez peu passionné de technique comme il le dit lui-même, c’est la fascination de l’animal libre et la capture de sa grâce indéfinissable qui motive son aventure, qui donne du sens à son existence. Et y a-t-il plus belle aventure que celle qui dure le temps d’une vie ?
Clôturé par le film très attendu et grand gagnant du festival, de Jean-François Didelot et Jeanne Delasnerie, « Sur le fil de Darwin », qui relate une expédition incroyable et jusqu’alors jamais réalisée, la 10e édition a tenu ses promesses. La disponibilité des acteurs et des réalisateurs, l’enthousiasme général du public, la passion qui flotte dans l’air chargé d’iode … Voilà un festival qui donne des ailes et le bilan de 13950 entrées n’est pas un hasard. Après ces quelques jours, on se sent la force d’attraper le premier bateau, le premier avion, d’enfourcher le premier vélo qui passe et de quitter les hommes. Quitter les hommes ? Mais pour mieux les retrouver. Une seule déception durant ce festival : le film sur l’ultra-trailer et montagnard de renom, Kilian Jornet Burgada. Loin du dénuement sensible du film de B. Aymon, ce film ultra-léché réalisé par Sébastien Montaz Rosset dresse un portrait du jeune homme à la fois surfait, ampoulé et plein de clichés. Les images prises par des drones et des hélicoptères sont impeccables mais ne parviennent pas à pallier le vide du personnage. Qu’a-t-il à nous dire ? Une enfance idyllique au milieu des chamois, une mère un peu hippie aux allures de gourou, un style « mystérieux » et une liste de « choses à faire dans sa vie » que le film se plaît à mettre en scène. Rien qui ne dépasse. Tout est listé proprement en attendant d’être coché puis oublié. Pas un mot de travers mais des poses dont le manque de naturel prête à rire. Le public m’a d’ailleurs semblé assez perplexe et la sœur de Kilian Jornet, présente pour l’occasion, a été désarmée par le mutisme inhabituel de l’auditoire. Ni primé par le jury ni par les spectateurs, le film le plus médiatique du festival ne sera assurément pas sa plus grande réussite et c’est bon signe. L’aventure ne prend pas la pose, elle déborde les cœurs et les cadrages les plus maîtrisés.
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Merci beaucoup à Camille pour cet excellent reportage. L’occasion pour moi de vous présenter les reportages réalisés par la chaîne Montagne TV.
En direct de La Rochelle, ils nous font également revivre la 10e édition du Festival du film d’aventure. Découvrez les nombreux interviews des plus grands aventuriers. Laurent Surbeck, directeur de Montagne TV, et le réalpiniste Bruno Peyronnet, vous font découvrir de fabuleuses histoires et exploits humains. Nous découvrirons Stéphane Frémond, président du festival, Erarhrd Loretan respirer l’odeur du ciel avec Pierre Morand et Benoit Aymon, Le piège Blanc avec Alban Michon et pour terminer, Jungle Jam Venezuela avec Stephane Hanssens et Jean Louis Wertz.
Festival film d’aventure – Emission 1
Festival film d’aventure – Emission 2
Voici le « film souvenir » des 10 ans du Festival du Film d’Aventure de La Rochelle !
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