Objectif réussi pour Nathalie Courtet avec son projet « 71 degrés solitude nord »

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Je viens de recevoir des nouvelles de Nathalie Courtet qui vient juste de rentrer de son projet « 71 degrés solitude nord ». Elle nous explique pourquoi elle a décidé de partir, ce qu’elle a vécu et fait un petit bilan. J’ai croisé Nathalie en plein milieu du Sarek. Elle squattait avec 2 belges la cabane dans laquelle je souhaitais dormir. Maintenant, on attend avec beaucoup d’impatience la sortie du film réalisé par Damien Artéro qui l’a suivi quelques jours au début et à la fin.

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À certains qui m’ont demandé il y a trois mois, pourquoi je partais, j’avais répondu : pour revenir.

Voilà, je suis revenue.

J’ai skié 71 jours, suis passée au delà du 71 ième parallèle au Cap Nord. J’ai skié, seule la plupart du temps, dans un désert blanc, dans la nuit, dans l’infini, sous les aurores boréales, loin parfois de toute trace humaine. J’ai marché avec des skis aux pieds. Le vent m’a parfois poussée, aidée, mais il fut souvent contraire : mon pire ennemi.

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Photo de Damien Artero

J’ai du avancer dans la neige profonde parfois, sur la glace vive des lacs d’autres fois, traverser des mers de vagues de neige dure, formées et comme pétrifiées par le vent, encore lui, traînant à ma suite cette pulka trop lourde qui n’a jamais voulu comprendre, en 71 jours, qu’il fallait pousser dans les montées et freiner dans les descentes. Tout le long elle a fait l’inverse, recevant parfois même mes insultes. J’ai skié sur des rivières, des lacs, ne les devinant même pas sous la carapace de glace et de neige, j’ai skié sur des plateaux immenses et dénudés, à perte de vue, dans des fonds de vallée boisés, entre des massifs montagneux inaccessibles.

Certains jours, à perte de vue signifiait une petite dizaine de mètres. J’ai eu du givre dans ma tente, sur mon duvet autour du visage, j’ai eu des nuits très froides. J’ai dormi dans des cabanes, dehors, sous ma tente, à l’hôtel, chez les gens parfois, dans le camion de Damien aussi. Je me suis protégée le mieux possible du vent, du froid, de l’humidité, du soleil aussi, des avalanches. J’ai cherché en permanence à améliorer mon confort afin d’aller au bout, afin de garder la motivation, afin de terminer autrement que sur les rotules ou dégoûtée. Il n’y eut pas de jour facile, la tâche était ardue, le défi difficile à relever.

Rien ne m’obligeait à le relever, certes, mais alors la frustration aurait été plus dure encore à supporter… J’ai éprouvé beaucoup de plaisir juste à traverser ces paysages désertiques, seule, sur mes planches, avec mon autonomie dans la luge.

Les lagopèdes m’ont tenu compagnie quasi tout le long de mon laborieux parcours, mais une fois, je n’ai vu qu’un humain en treize jours, et suis restée quatre jours sans constater de vie du tout (animale, végétale…), évoluant dans ce grand blanc avec pour seule compagnie mon ombre (pas très souvent), et mon GPS.

Mais quel bonheur, quelle plénitude, quel sentiment de liberté. Prendre en main complètement son destin, aucune influence extérieure sur les prises de décision, qui si elles s’avèrent mauvaises, peuvent devenir fatales. Se fondre. Être de passage, juste de passage. Ces lieux ne peuvent qu’être traversés, les conditions de subsistance y sont totalement absentes, alors on avance, on va ailleurs, devant, jour après jour, on fait son chemin, et on en tire une satisfaction à la mesure des éléments et du paysage.

Puis j’ai atteint des zones plus fréquentées, oh, un skieur de temps à autres, j’ai bu du whisky irlandais et fumé un cigare de Cuba avec des Danois dans une cabane norvégienne, j’ai échangé un compeed contre une saucisse avec des Norvégiens en Suède, skié un jour et demi avec une connaissance française (c’est moi, c’est moi !!!!) rencontrée par hasard au cœur de l’imposant massif du Sarek, pêché une truite de trente cinq centimètres par le trou dans la glace et l’ai mangée, en compagnie d’un Norvégien et d’un Suisse.

J’ai cassé et réparé mon brancard, j’ai recousu mon harnais, marché avec des pansements sur les pieds pendant ces 71 jours, souffert des crevasses au bout des pouces, me suis raccourci un doigt de quelques millimètres avec ma hache, me suis faite bouffée par les punaises de lit à Abisko, ai mangé comme quatre, ai lu un peu, écrit beaucoup, ai rencontré des gens extraordinaires, ai déchargé parfois la pulka pour passer les pentes en plusieurs voyages successifs, ai filmé un peu, vu des aurores boréales, vu aussi un soleil malade me dispenser une lumière blafarde et une chaleur malingre avant de s’imposer enfin pour briller 17 heures par jour, ai fait en fin de compte une cure de sommeil, et 1270 km aussi, accessoirement.

Seule en grosse partie.
J’ai fait ce que j’avais imaginé. Je me suis fait plaisir malgré l’effort intense et long. J’ai aimé l’expérience.
Le ski est un moyen de locomotion d’une douceur extrême.
Bien, je crois que le voyage est un repas. On le prépare, on le consomme, et maintenant, reste à le digérer.
En attendant le film (fin d’été, automne), vous pouvez retrouver des détails  dans le site : www.nathaliecourtet.fr

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