Le français Jerry Swift a traversé l’intégralité du delta de l’Okavango

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Jerry Swift est un naturaliste, photographe et réalisateur de films animaliers qui passe sa vie à rencontrer des animaux sauvages dans le monde entier dans les endroits les plus reculés.

Dans les forêts tropicales, les déserts, les savanes, les montagnes, les océans et les côtes maritimes, il approche toutes sortes d’espèces pour le plaisir rare de les observer et simplement d’être avec elles.

Jerry éprouve ainsi une vraie liberté en passant son temps auprès des animaux sauvages.

Il revient ci-dessous sur l’expérience qu’il a vécue en 2010 au sujet de sa traversée de l’intégralité du delta de l’Okavango

La traversée de l’Okavango

Le delta de l’Okavango, situé dans le nord du Botswana, est l’une des zones les plus sauvages d’Afrique. Née en Angola, la rivière se déploie dans le désert du Kalahari, sans jamais atteindre la mer. Ce phénomène forme une oasis gigantesque où pullule la faune.

En septembre 2010, accompagné d’un biologiste sud-africain et de deux bushmen botswanais, je m’apprête à traverser l’intégralité du delta du nord au sud, soit 288 kilomètres, en quinze jours. Nous embarquons dans deux « mokoro », étroites pirogues en fibre de verre que nos guides propulsent à l’aide d’une simple perche de bois. Nous les chargeons de vivres – riz, pâtes, porridge… – ainsi que de notre matériel de camping et d’observation.

Le but de cette aventure est de réaliser un état des lieux de cet espace naturel en recensant les oiseaux aquatiques. Actuellement, le delta de l’Okavango est encore vierge d’activité humaine, voilà pourquoi il est si important de procéder à cette étude maintenant.

Dès les premiers instants, alors que nous venons de quitter les berges du petit village de Seronga, au nord du delta, et longeons les papyrus, surgissent une multitude d’oiseaux. Autour de nous des dizaines de hérons, d’aigrettes, de martins-pêcheurs, de jacanas vaquent à leurs occupations. Le biologiste et moi notons sur nos feuilles de données chaque observation et effectuons des relevés GPS réguliers.

Les bushmen semblent connaître par c?ur les presque 300 kilomètres qui nous séparent de Maun, la ville du sud du delta.  Autour de nous, ce ne sont que marécages, plaines inondables, bosquets de papyrus et de roseaux, îlots innombrables. Tout paraît similaire, pourtant ces hommes savent se repérer sans boussole ni carte !

Le soleil est implacable alors que nos pirogues sont démunies de toit. Sous nos couvre-chefs, cependant, nous ne souffrons pas trop de la chaleur car toute la journée nous nous abreuvons de l’eau la plus claire qui soit : celle de l’Okavango ! Filtrée par les plantes aquatiques, elle est d’une pureté incomparable.

Le premier jour, nous ne parcourons que 15 kilomètres. Les deux Botswanais, qui n’ont cessé de man?uvrer les mokoro, sont fatigués. Nous repérons un îlot où le sol est suffisamment sec pour que nous puissions planter nos tentes. Cette chance ne se reproduira pas tous les soirs : il faut parfois parcourir plusieurs kilomètres supplémentaires pour trouver le bon endroit pour camper. Or il est essentiel de le dénicher avant que la nuit tombe.

En effet, dès que la lumière baisse, les nombreux hippopotames de la région sortent de l’eau et commencent à brouter l’herbe. Ces animaux peuvent se montrer agressifs. Ils causent d’ailleurs de nombreuses victimes chaque année en Afrique. L’un de nos guides ne le sait que trop bien : son frère a été tué par un hippopotame alors qu’il se déplaçait sur une berge.

Toute la nuit, nous entendons les hippopotames hurler et se battre non loin de notre campement. Heureusement, ces animaux assimilent nos tentes à des rochers ou à des buissons et ils les contournent quand ils passent à proximité. Le lendemain, je constate qu’à 1 mètre seulement de ma tente le sol est criblé d’énormes empreintes !

Presque chaque nuit les hippopotames viendront rôder non loin de nous.

Chaque soir également, dès que le soleil disparaît sous l’horizon, les lions commencent à rugir, suscitant invariablement chez moi un frisson de plaisir et d’excitation.

Pendant la journée nous apercevons de nombreuses antilopes et croisons des centaines d’éléphants. Ceux-ci se déplacent parfois en troupeau de dix à trente individus. Ils nous barrent fréquemment la route quand ils traversent les marécages. Nos guides, qui man?uvrent toujours debout, s’accroupissent alors en douceur. Le biologiste et moi, qui sommes déjà assis, nous faisons le plus discrets possible. Dans le plus grand silence, nous attendons tous les quatre que les pachydermes s’éloignent.

Durant ces deux semaines nous recensons plusieurs milliers d’oiseaux. Les nombreuses données collectées apporteront une vision objective de la richesse du delta de l’Okavango. Le biologiste sud-africain a d’ailleurs décidé de poursuivre cette étude chaque année à la même époque pendant dix ans, afin d’observer si des changements se produisent.

Quant à moi, j’ai vécu cette traversée comme l’un des moments les plus intenses de mon existence. Vivre totalement coupé du monde, dans un endroit si reculé, où les seuls sons sont ceux de la nature, est une expérience qui m’a marqué à jamais. Revenir à la civilisation après cette parenthèse de silence et de pureté a été très éprouvant.

J’espère que le somptueux delta de l’Okavango restera préservé encore très longtemps.

Texte de Jerry Swift

Plus d’informations sur les aventures et les conseils de voyage de Jerry Swift pour rencontrer les animaux sauvages sur www.meetwildanimals.com

Les livres de Jerry Swift

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