David Lefèvre, écrivain-voyageur, loue les vertus de la cabane, refuge des âmes rebelles à la marche du siècle. Dans les huttes, isbas, tipis ou yourtes, la nature sert de calendrier et la solitude de réconfort. Offrant vie frugale et recueillement, la cabane permet de goûter une enivrante félicité.
Né en 1973, David Lefèvre, après une décennie de voyages en Asie et en Amérique, s’est installé avec sa compagne chilienne dans une cabane lacustre sur l’île de Chiloé.
Voir aussi
Solitudes australes – Chronique de la cabane retrouvée
À l’ouest de l’île de Chiloé, au Chili, David Lefèvre se retire seul dans une cabane, entre lac et forêt. Son projet : vivre une existence frugale proche de l’autosubsistance et tisser avec le milieu naturel un lien de respect et de connivence. Au fil des mois et des saisons, la vie s’ancre dans ce lieu isolé. L’auteur décrit ses travaux quotidiens, ses escapades au c ur de la nature sauvage qui l’entoure et les réflexions qu’elle lui inspire. C’est aussi l’occasion pour David Lefèvre de s’interroger sur sa solitude, ses racines, son rapport au monde, la signification de l’engagement, le concept de pauvreté volontaire ou encore le besoin d’errance qui l’a poussé à parcourir le monde. Ce voyage immobile est autant un récit sensible tourné vers le dehors qu’une plongée intérieure.
Extrait
SEPTEMBRE
J’avais une fois encore traversé la Cordillère pour retrouver le sud du Chili, son ciel glacial et ses villages endormis. L’hiver semblait malgré tout rendre ses derniers souffles. Il ne tarderait pas à passer la main. C’est en abandonnant les gelées blanches d’Aisén pour une remontée de la Carretera austral, face aux îles pluvieuses des Guaitecas, que les semaines et les mois écoulés sont revenus à ma mémoire. Comme s’ils s’étaient ordonnés d’eux-mêmes. Ils se rapprochaient à se toucher et me ramenaient sur des pas déjà anciens. Je revoyais en pensées les terres australes. Elles se réveillaient sur ces matins de cristal où la transparence de l’air est sans égale, et rien ne m’avait empêché de franchir à nouveau les steppes et leurs solitudes, les forêts et leurs cours d’eau.
En réalité, je circulais entre les marges d’un long voyage qui avait refusé de se terminer. C’était comme si j’avais malgré moi été incapable de boucler ma boucle, d’arrêter mon pas. La Patagonie que j’avais sillonnée m’avait ouvert à ses mystères. J’y avais reconnu certaines de mes fondations. J’y avais découvert une sorte de ressource inépuisable et je savais qu’elle possédait davantage. Elle resurgissait comme une évidence et ne me lâchait pas. Il restait une cosse à casser er il n’appartenait qu’à moi d’y consacrer un peu d’avenir. Et plus je progressais vers l’ouest, plus mon passé se diluait dans l’étendue. Je l’avais enjambé sans m’en apercevoir.
Puis je suis arrivé sur Chiloé à la veille du printemps, sous un ciel bas et lourd. Ce retour était lui aussi chargé d’émotion. Il ranimait la foule de souvenirs qui m’accrochaient à cette île. En réalité, il y a bien deux îles, celle qui regarde le continent et celle qui se tourne vers le Pacifique. L’une est casanière et apprivoisée, l’autre sauvage et indomptée. C’est sur celle-ci que j’allais prendre mes quartiers.
J’aurais pu me précipiter vers ma destination finale par la chaussée étroite et sinueuse qui épouse les rives du lac Huillinco mais je ne voulais pas brusquer mon retour. Je préférais la houle aux cahots de la piste. J’avais choisi de séjourner en marge du monde asphalté et la voie des eaux, moyen plus noble, plus conforme à mon échappée, me permettrait de savourer entièrement les dernières encablures.
En plus de mes vêtements, mon sac à dos contenait une paire de bottes, des bougies, du pétrole lampant, un plaid et quelques outils. Mes livres étaient entassés dans une malle de campagne fortement imprégnée d’une odeur de boules à mites. Ils avaient voyagé depuis le continent sur le toit d’un bus avec mon canoë. Une fois l’embarcation chargée de tous mes biens, je la poussai à l’eau. Le déménagement était plutôt court. Sur une vague molle, aidé par une légère brise rasante, j’avalai sans effort les dix petits kilomètres qui me séparaient de ma destination.
Un mot de l’auteur
«Ma cabane est une lucarne ouverte sur la nature sauvage. Autour d’elle, le paysage se recompose jour après jour, les saisons s’égrènent lentement. Entre ce lac et cette forêt où je puise quotidiennement ma nourriture, je crois pouvoir dire que j’ai connu de véritables moments d’abandon, je me suis remis au monde. Prenez par exemple la migration des oiseaux qui se joue à travers ma vitre : elle marque le retour à des émotions pures !»
David Lefèvre
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François
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