Jerry Swift est un naturaliste, photographe et réalisateur de films animaliers qui passe sa vie à rencontrer des animaux sauvages dans le monde entier dans les endroits les plus reculés.
Dans les forêts tropicales, les déserts, les savanes, les montagnes, les océans et les côtes maritimes, il approche toutes sortes d’espèces pour le plaisir rare de les observer et simplement d’être avec elles.
Jerry éprouve ainsi une vraie liberté en passant son temps auprès des animaux sauvages.
Il revient ci-dessous sur l’expérience qu’il a vécue au sujet de sa quête du rhinocéros noir vivant dans le désert namibien.
Sur les traces du rhinocéros noir de Namibie
C’est le secret le mieux gardé du plus vieux désert du monde. Quelque part dans l’ouest de la Namibie, dans un endroit sauvage et reculé, vivent quelques-uns des derniers rhinocéros noirs.
Je sais que si je veux avoir une chance de les apercevoir, je dois me rendre au bord de l’une des rares oasis parsemant cette immensité aride.
Un ami, guide naturaliste, m’a révélé dans la confidence plusieurs de ces emplacements stratégiques.
Comme partout ailleurs en Afrique, les rhinocéros sont menacés par le braconnage. En effet, sur le marché asiatique, leurs cornes valent plus cher que l’or !
Voilà pourquoi celui qui m’a parlé de ces oasis ne partage pas ses informations avec n’importe qui.
S’il existe encore une population viable de ces animaux ici, c’est parce que la zone est très isolée et difficilement accessible.
Depuis trois semaines, en m’aidant de mon GPS, je sillonne la région au volant de mon 4×4, sur les traces de cet animal insaisissable.
Le meilleur moment pour apercevoir les rhinocéros se situe juste avant la tombée de la nuit quand, après une journée caniculaire, ils sont impatients d’étancher leur soif.
J’ai déjà observé bien d’autres habitants du désert aux abords de ces plans d’eau : des oryx, des girafes, des éléphants et même un guépard ; mais jamais aucun rhinocéros. Il est vrai que la surface à explorer est immense, alors que la population de ces mammifères se réduirait à quelques dizaines
d’individus.
Cependant, quelques empreintes et des excréments me confirment la présence de l’animal.
Chaque fin d’après-midi, je gare mon véhicule à environ 300 mètres de l’une de ces mares. A chaque fois j’attends pendant plusieurs heures l’arrivée hypothétique de ce géant du désert. En vain.
Je commence à m’impatienter, et même à perdre espoir.
Aujourd’hui, une fois de plus, je suis aux aguets derrière mon volant. J’ai passé la journée à l’ombre de l’arbre chétif près duquel j’ai posé ma tente, attendant, sans plus y croire vraiment, que l’heure vienne de retenter ma chance.
Mais ce jour-là, juste après que le soleil a disparu derrière l’horizon, et que je m’apprête, bredouille, à quitter les lieux, une silhouette caractéristique surgit au sommet d’une colline, à environ 500 mètres de moi.
Immédiatement, je reconnais son allure préhistorique. Son corps cuirassé, d’aspect minéral, m’évoque un gros rocher.
Le rhinocéros s’approche lentement du marécage, asperge un buisson d’urine au passage et frotte ses pieds en arrière. Une attitude typique des mâles.
Après quelques pas supplémentaires, il gratte sa plus longue corne contre un bloc de pierre, comme s’il voulait l’aiguiser.
Je suis émerveillé de découvrir enfin ce fantôme du désert. J’ai l’impression d’assister à l’apparition d’une licorne.
Cette vision à elle seule justifie des semaines de frustration.
Dans l’habitacle de la voiture, je prends le plus de photos possible. Mais la lumière déclinante rend la tâche ardue.
Je fais attention à n’émettre aucun bruit car je sais que son ouïe est très développée et je ne veux surtout pas l’effrayer.
Pendant plusieurs minutes, presque sans interruption, le rhinocéros s’abreuve à cette source providentielle.
A présent, il se tient immobile dans la mare, l’eau montant à mi-pattes. C’est ainsi qu’il se rafraîchit, après la chaleur caniculaire qui a sévi toute la journée
; boire ne lui suffit pas.
Au bout d’une demi-heure, quand la pénombre est totale, sa silhouette trapue s’ébranle enfin, puis s’éloigne à pas lents avant de s’évanouir dans le lointain.
Désormais seul, dans le silence de la nuit, je suis bouleversé par cette rencontre. Je savoure mon privilège : cet animal légendaire, menacé d’extinction, a partagé un peu de son mystère avec moi.
Si le rhinocéros noir disparaissait de Namibie, c’est le désert tout entier qui perdrait à jamais son âme.
Texte de Jerry Swift
Site Web de Jerry Swift : meetwildanimals.com
Les livres de Jerry Swift
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François
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